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, moulins. Les gens du siècle en étaient appauvris et les clercs toujours plus riches : aussi les Gaules couraient-elles à leur perte, si le Seigneur-Dieu n’y eût pourvu.

C’est alors que les Païens et les Vandres avaient pénétré au delà de nos marches ou frontières, jetant bas les abbayes, faisant des églises étables pour leurs chevaux. Ils avoient pris Reims, mis à mort saint Nicaise et saint Memmie, martyrisé saint Maurice de Chablais et sept mille de ses compagnons ; enfin, ils allaient mettre le siège devant Paris, quand Charles Martel, ne pouvant plus compter sur le secours de ses barons, tous pauvres et dépourvus, eut recours au Pape ou Apostole de Rome. La grande cité de Lyon sur le Rhône fut choisie pour le siège du concile. On y vit arriver trois mille clercs, vingt mille chevaliers : les premiers, richement fourrés de vair et de gris , montés sur belles haquenées ; les autres n’ayant plus d’autre arme que leur épée d’acier ; sans écus, sans haubert et sans heaume ; dénués de palefrois, de destriers et de bons mulets d’Arabie.

Charles Martel porta la première parole : -Sire Apostole, au nom du Seigneur mis en croix, ayez pitié de nous et de vous-même. A vous appartient de prévenir notre honte commune. Je ne sais quels mecréans sont entrés dans ma terre et l’ont mise en char- bon : ils abattent les châteaux sous mes yeux ; ils attachent leurs chevaux dans les moutiers où Dieu devrait être servi ; ils écorchent vifs les prouvaires ; ils n’épargnent évèques ni archevêques. Que feraient contre eux mes chevaliers ? ils n’ont armes, palefrois ni roncins. Avisez donc : faites que nous puissions nous défendre et vous garantir. Sinon je vous quitte le pays et m’en irai comme le plus chétif de ceux qui m’entendent. » Ces paroles furent écoutées avec grande tristesse ; chacun