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Les Hindous pensent que l’univers se compose de trois mondes ou régions, loka[1] qui ont chacune une langue distincte : 1° la région des cieux, résidence des dieux et des suras, et nommée sura-loka ; 2° celle des enfers ou patala-loka, qui est sous la terre, et qui est, disent-ils, habitée par des serpents ; 3° la terre, la région des hommes, nara-loka, nommée aussi martya-loka, c’est-à-dire, la région des mortels. Ils disent que des rapports mutuels ont existé entre ces trois lokas, jusqu’au commencement de Kali-yug[2], époque à laquelle le genre humain, à cause de sa méchanceté toujours croissante, fut privé du pouvoir qu’il possédait de se transporter dans le sura-loka et dans le patala-loka.

Pour chacun de ces mondes, disent les Hindous, il y a une langue distincte. Celle du sura-loka, nommée sura-bânî शूर बाणी, ou déva-bhâschâ, देव भाषा, langue des suras ou des dieux, est le sanscrit. La langue du patala-loka est appelée pracrit et plus spécialement nâg-bânî नाग बाणी, langue des serpents. Cette langue, dans laquelle on faisait un grand usage de l’anuswara et des consonnes redoublées, a existé, selon les Hindous, dans un âge intermédiaire entre le temps où le sanscrit était parié et les temps plus récents où l’hindoui fut adopté.

Cette dernière langue, nommée spécialement nar-bânî, नर बाणी, ou nar-bhâschâ, नर भाषा, langue des hommes, et simplement bhâschâ ou bhâkhâ, est la langue moderne des Hindous, langue qui, ainsi que nous l’avons dit, s’est conservée sous le nom de braj-bhâkhâ, dans sa pureté primitive, non-seulement dans le pays de Braj, mais dans le district de Gwalior, dans le Baïswara, le Bhadâwar, le Bandelkhand et l’Antarbed, avec quelques légères variations[3].

  1. Locus, « dieu.»
  2. L’âge de fer de la mythologie grecque.
  3. Voyez l’introduction de Touvrage de Lalloo Lai Kavi, intitulé : General principles of inflexion and conjugation in the Braj-bhâkhâ.