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romane ; il est, en effet, comme elle, la langue du moyen âge, de l’époque de transition entre les temps anciens et les temps modernes, de l’époque des luttes entre les natifs et les musulmans ; elle est au sanscrit et à l’hindoustani moderne ce que le roman est au latin et au français.

Quoique l’hindoui soit bien loin d’avoir l’importance littéraire du sanscrit, il a une importance relative incontestable ; car, depuis l’époque où il est devenu la langue vivante d’une grande partie de l’Inde, jusquà nos jours, les Hindous qui habitent les contrées où il est usité, et qui ont voulu donner de la popularité à leurs ouvrages, ont écrit dans cette langue et non en sanscrit. L’étude de l’hindoui n’est même pas à dédaigner sous le rapport archéologique ; car on trouve dans cet idiome des inscriptions et des légendes de monnaies[1].

L’hindoui a surtout un intérêt philologique, philosophique, historique et littéraire. Le philologue pourra y suivre les modifications que le temps a fait subir à la grammaire sanscrite, en la simplifiant par l’abandon de la déclinaison et des temps particuliers à chaque voix des verbes, en introduisant des temps composés, enfin en la modernisant d’une manière analogue à celle qui a eu lieu pour les langues de l’Europe latine par rapport au latin. Ce fut vers le xiie siècle seulement que ce phénomène fut tout à fait apparent, c’est-à-dire qu’on adopta définitivement dans l’Inde, pour le langage ordinaire, plus de clarté et des formes plus simples, et pour la poésie, la rime et des mesures plus sensibles aux oreilles du peuple. Chose singulière, la même révolution eut lieu, à peu près à la même époque, en France, dans l’Italie et dans la Grèce.

Pour le philosophe, l’hindoui a aussi un bien grand intérêt. Ainsi que je l’ai fait observer dans mon Histoire de la littérature

  1. Voyez, entre autres, le Journal de la Société asiatique de Calcutta, t. VI, p. 879, et mon article sur les Useful Tables, de J. Prinsep, dans la Revue numismatique, 1839, p. 309 et suiv.