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nous, que la date de la mort. Mais, au lieu d’être des spéculations de commerce, elles forment une branche importante de la littérature. Elles donnent, en effet, à celui qui les rédige l’occasion de déployer son éloquence dans les hyperboles dont il grossit l’éloge des poètes célèbres ou amis, et d’y faire preuve de bon goût dans le choix des vers qu’il cite. En effet, ces biographies, qu’on nomme tazkira, « mémorial », sont des espèces d’anthologies où la vie des auteurs se réduit à de pompeux éloges délayés quelquefois en plusieurs pages emphatiques de :

Words of gigantic bulk and uncouth sound[1] ;

tandis que le plus souvent on n’y indique que le nom de l’écrivain. Dans le premier cas, dix, vingt, trente pages d’extraits suivent les éloges ; dans le second, deux ou trois vers et quelquefois un seul. C’est aussi une manière indirecte de se faire connaître au public, car les auteurs de ces tazkiras ont toujours soin de glisser leur nom au milieu des écrivains qu’ils signalent. Le plus souvent, ils s’étendent complaisamment sur ce qui les concerne. Ils écrivent alors une véritable biographie telle qu’il serait à désirer qu’ils le fissent pour les autres écrivains, et ils ne manquent pas d’y joindre de nombreuses pièces de poésie de leur façon. Ainsi, tandis qu’en Europe, dans les biographies des hommes plus ou moins célèbres, on s’attache minutieusement à révéler des détails qui souvent n’intéressent personne, on néglige généralement toute particularité dans les tazkiras indiens. On n’y trouve même aucune indication précise. On y appelle poètes anciens les poètes qui ont précédé le temps de l’écrivain ; poètes modernes ses contemporains. Il n’y a presque pas de dates, surtout pas de date de nais-

  1. Gifford.