Page:Garcin de Tassy - La Langue et la littérature hindoustanies en 1876.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.

schâh-i ’alam : « Le Prince de Galles, Roi des rois du monde », dans les vers hindoustanis où ces mots représentent quatre fâ-û-lûn, c’est-à-dire le mètre mutâcârib[1].

On a eu l’idée de réunir en un volume les cacida, les schahr-aschob[2] et autres poésies composées en l’honneur du Prince de Galles pendant son séjour dans l’Inde. Cent cinquante poëtes musulmans, hindous, parsis, portugais et anglais lui ont adressé des pièces de vers dont l’Awadh Akhbâr[3] signale spécialement huit : quatre en anglais et quatre autres, savoir : une en bengali, une seconde en télugu, une troisième en sanscrit et une quatrième en hindoustani. Dans cette dernière pièce, dont Haidar Ali est l’auteur, ce poëte, se livrant à son imagination orientale, dit les choses les plus extravagantes et termine par les exagérations suivantes :

« Si le Prince déploie son esprit, Aristote en est stupéfait. Par sa venue dans l’Inde, les gens inquiets ont été tranquillisés, et les malheureux ont vu la fin de leurs peines. La porte du paradis a été ouverte, ou, pour mieux dire, chacun en a eu la clef et a pu l’ouvrir. Le Prince a plus de science que Platon ; sa libéralité est plus grande que la mer Noire (l’Océan). La poussière de dessous ses pieds s’élève jusqu’au ciel, et là, elle forme un nuage qui rafraîchit et rend verdoyant le monde entier. »

À la suite du voyage du Prince de Galles, plusieurs Indiens distingués ont voulu visiter l’Europe. Le principal, le nabab Sir Salar Jang[4], qui a passé quelques jours à Paris,

  1. Voy. ma « Rhétorique et prosodie des langues de l’Orient musulman », p. 326 et suiv.
  2. À la lettre : « Tapage de la ville », sorte d’ode particulière à l’hindoustani.
  3. Nos du 9 et du 11 juin 1876.
  4. Il ne faut pas le confondre avec Jang Bahadur, souverain du Népal, qui, après avoir reçu le Prince de Galles dans son palais et avoir chassé avec lui dans le Teraï, est allé en pèlerinage à la ville d’Aoude (l’ancienne Ayodhya) en passant par Lakhnau et Faïzabad.