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blème immédiat que nous avons à résoudre n’est pas de savoir comment organiser le Gouvernement du pays, mais comment nous vêtir et nous nourrir. En 1918, nous avons envoyé hors de l’Inde 600 millions de roupies pour acheter des tissus. En continuant d’acheter à l’étranger à ce taux, nous privons d’autant les Indiens qui tissent et qui filent sans leur mettre entre les mains un autre métier. Rien de surprenant si la dixième partie de notre population est condamnée à mourir de faim, et si le reste est en majorité insuffisamment nourrie. Qui sait regarder peut se rendre compte par lui-même que la classe moyenne est déjà sous-nourrie et que nos petits n’ont pas assez de lait. Le projet des réformes, quelque libéral qu’il soit, n’aidera pas à résoudre le problème avant un certain temps. Le Swadeshi le résoudra immédiatement.

Le Pendjab m’en a rendu la solution encore plus claire. Dieu merci, les belles femmes du Pendjab n’ont rien perdu de la souplesse de leurs doigts. Nobles ou humbles, toutes savent filer. Elles n’ont pas brûlé leur rouet, ainsi que l’ont fait les femmes du Gujerate. J’éprouve une joie véritable, lorsqu’elles me lancent leurs balles de fil sur les genoux. Elles disent qu’elles ont le temps de filer et que le Khaddar[1] tissé à la main avec leur fil est bien supérieur à celui que l’on fabrique avec du fil filé à la machine. Nos ancêtres parvenaient à se vêtir avec confort, sans difficulté et sans l’obligation d’acheter leurs tissus sur les marchés étrangers.

Cet art merveilleux et si simple pourtant risque de

  1. Khaddar, ou Khadi : le tissu national indien.