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« Supposez, écrit-il, que malgré mes espérances, rien n’arrive de ce que j’attends, ne devrais-je pas sentir que je ne suis plus digne de diriger la lutte ? Se devrais-je pas m’agenouiller humblement devant mon Créateur et lui demander de me délivrer de mon corps inutile et de faire de moi un instrument plus capable de servir ? »…[1]

On peut imaginer ses angoisses secrètes et ses déchirements. La confession publique, qui suivit les crimes de Chauri-Chaura[2], en révèle une heure d’agonie. Il se relève pourtant. Il ne renonce jamais. Il sait bien qu’il ne le peut pas. Le navire, près de sombrer, ne peut se passer de lui. Il est le pilote. Il faut qu’il reste au poste. Il faut qu’il continue d’oser. Ce n’est pas seulement pour l’Inde que vaut sa redoutable expérimentation, c’est pour toutes les races humaines. Il a un très beau mot, qu’il reprend à un antique Rishi inconnu :

Yatlhaa pindhé thatthaa brahmandé

« Comme il en est d’une boule de glaise, ainsi en est-il de tout l’univers ».

Il expérimente sur la boule de glaise. Et certes, il ne s’illusionne pas sur les limites de son pouvoir ! Mais, fais ce que dois !…

Et il tend la main au monde, pour s’entraider. Aux Anglais. Aux Chrétiens. À ses ennemis mêmes. Ennemis ? Il n’en a point. « À tout Anglais qui habite l’Inde » il écrit : « Cher ami »[3]. Il fait appel aux Européens. Il

  1. Ibid.
  2. p. 339.
  3. 27 octobre 1920.