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Certes, le remède est héroïque. Mais il n’est pas contre nature, Gandhi, en l’indiquant, part d’une observation de savant mystique sur la loi de Souffrance dans la nature : — « La vie sort de la mort. Pour que le blé pousse, il faut que le grain périsse… La loi de souffrance est inhérente à notre être… » Tout ce que nous pouvons faire, c’est de la prendre toute sur nous, et de l’épargner à nos ennemis. « Le progrès dépend de la somme de souffrance endurée… Plus la souffrance est pure, plus le progrès est grand… » Il faut « apprendre à souffrir volontairement et à y trouver de la joie… La liberté ne saurait s’acquérir qu’à ce prix »[1].

On voit si le Mahatma est un affaiblisseur d’énergie ! Il la soumet au contraire aux disciplines les plus rudes qui jamais aient été imposées à un peuple. Mais il souffle à ce peuple l’ardeur de les accepter avec allégresse. Il l’exalte. Il tend l’énergie humaine jusqu’à l’extrême limite, où la corde semble près de se briser. Mais où n’atteindra point la flèche de l’arc ainsi tendu !

On comprend qu’un tel archer de la Non-Violence, le porte-glaive du Sacrifice de soi, n’ait point de mépris pour les tenants loyaux de la violence, — tout en condamnant leur erreur. J’ai cité, dans mon petit livre (p. 54) ces passages saisissants, où « plutôt que lâcheté il conseille violence ! » — Il va plus loin : il est « d’avis que ceux qui croient à la violence apprennent le maniement des armes »[2]. Car c’est une autre expérimentation, « celle à laquelle le monde s’est habitué depuis des siècles » ; et si

    son sein l’esprit de vengeance… » (p. 65). — Cf. la lettre au Vice-Roi : la Non-Coopération est, dit-il, « une forme d’action directe »,… le seul dérivatif à la violence, (p. 83).

  1. p. 69-73. — 16 juin 1920.
  2. p. 106.