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du tout chez moi en ce moment, mais bien, comme d’ordinaire, dans d’étranges espaces. Ce sont sans doute des espaces imaginaires, mais je n’en rougis pas : le proverbe polonais ne dit-il pas que « par l’imagination il est allé à l’inauguration », et moi, je suis un vrai Mazovien. Aussi, sans regarder plus loin, j’ai écrit trois nouvelles mazurkas [1] ; elles seront probablement éditées à Berlin, car un gentil garçon de mes connaissances, Stern, musicien de profession, m’en a prié pour son père, qui ouvre un magasin de musique. J’ai également reçu ici, de la part du comité qui érige, à Bonn-sur-le-Rhin, un monument à Beethoven, une invitation pour l’inauguration de ce monument. Vous pouvez penser si j’irai ; cependant si je savais vous trouver dans les environs, peut-être me déciderais-je. Mais c’est pour l’année prochaine. Je ne sais si je vous ai écrit que, cet automne, s’arrêtera chez vous la princesse Obreskow, grand amateur de musique, qui me donne souvent des preuves do son grand cœur ; elle veut m’amener ici, dans sa voiture, ma petite maman, que ses filles, ses gendres et ses petits-enfants devront venir rechercher au printemps prochain. En vérité, cette dame a un excellent cœur, elle m’est très chère. Du reste, j’ai déjà dû autrefois vous parler de son amabilité ; mais j’avoue que ses chers projets m’ont amusé. Cependant, si vous la voyez, témoignez-lui de grandes attentions, car j’ai toujours eu quantité de preuves de sa bonté et je lui suis fort dévoué. Elle aime énormément la musique. Sa fille, la princesse Soutzo, est mon élève…

Ma Sonate [2] et ma Berceuse ont déjà paru… Que vous dirai-je de Paris ?… Les journaux ont raconté sans citer de noms, l’aventure arrivée il y a quinze jours à Victor Hugo. M. Billard peintre d’histoire pas trop fameux), très laid, avait une jolie femme que M. Hugo séduisit. M. Billard les surprit en flagrant délit, de sorte que Hugo fut obligé de montrer, à celui qui voulait l’arrêter, sa médaille de pair de France, afin qu’on

  1. Les trois Mazurkas, Op. 59. publiées chez Stern à la fin de l’année 1845.
  2. Sonate en si mineur, Op. 58.