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LE DOCTEUR OMÉGA

vin et donnai à boire à toute la population de Marbeuf.

Cette généreuse attention accrut encore la popularité du docteur et me valut beaucoup de considération de la part des paysans.

Au dessert, le savant, mis en gaieté par quelques verres de vin d’Espagne, devint très communicatif.

— J’ai dû, me dit-il, vous faire l’effet d’un bien drôle d’individu la première fois que vous m’avez aperçu ?

— Ma foi…

— Oui… oui… dites-le… vous m’avez pris pour un fou… mais je savais parfaitement que personne n’avait été blessé… Je ne suis ni un Cafre ni un Patagon… Si quelqu’un de mes collaborateurs avait été victime de l’explosion, vous ne m’auriez pas vu aussi joyeux…

— En effet… vous chantiez…

— Je chantais ?… c’est bien possible, mais j’étais tellement heureux !

— Et pourrait-on connaître la cause de cette joie subite ?…

— Je vais à l’instant, cher ami, satisfaire votre curiosité.

Je vous ai déjà dit que, depuis longtemps, je me livrais à des recherches incessantes sur divers métaux, mais ces recherches portaient particulièrement sur le radium, ce corps nouveau qui a révolutionné la science moderne. Vous n’ignorez pas que, jusqu’en ces dernières années, les savants posaient comme axiome que la matière attirait la matière et que cette attraction était proportionnelle aux masses et inversement proportionnelle au carré de leur distance.

Or, le radium semble vouloir échapper à cette attraction universelle ; ses molécules, loin de s’attirer, se repoussent au contraire avec une telle énergie qu’elles s’enfuient et s’irradient en tous sens avec une vitesse évaluée à trois cent mille kilomètres par seconde, exactement la vitesse d’un rayon lumineux.