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LE DOCTEUR OMÉGA

Il y avait parfois des intermittences fréquentes dans ces transmissions télégraphiques et, comme je m’en étonnais beaucoup, le docteur m’expliqua que nos messages ne parvenaient point toujours dans les régions habitées et cela à cause de la position relative de Mars et des modifications constantes de la surface du globe terrestre.

Enfin… une nuit, il nous arriva une communication très nette, très précise, signée encore une fois du nom d’Helvétius.

Voici ce que disait le grand savant anglais :

« Ai reçu dépêche… apprends avec plaisir qu’êtes dans Mars… Pourquoi revenez-vous pas ? Amis très inquiets. »

À ce mot d’ « amis », le docteur Oméga se prit à sourire…

Des amis ? mais il n’en avait jamais eu ! il n’avait jusqu’alors rencontré sur son chemin que des gens qui le traitaient de fou, qui riaient de sa mise extravagante ou des confrères envieux qui s’efforçaient toujours de le rabaisser, et ne s’occupaient de lui que pour critiquer ses découvertes…

Et voilà maintenant qu’il avait des amis… Bien plus… ces amis étaient inquiets… Ils attendaient avec impatience, peut-être avec angoisse, son retour sur la Terre !

D’autres que le docteur Oméga se fussent grisés… Mais ce vieillard était trop sceptique pour s’illusionner. Très calme, il laissa tomber cette phrase qui résumait bien en son laconisme brutal le cas qu’il faisait de ces subites protestations d’amitié :

— Réussissez… vous aurez beaucoup d’amis… échouez… vous serez seul…

— C’est un peu la pensée d’Ovide que vous nous servez là, fis-je remarquer.

Le savant sourit, et me prenant les mains, m’attira vers lui en disant :

— J’exagère… monsieur Borel… car même si j’avais échoué, je sais que je n’aurais pas été seul… puisque vous et