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LE DOCTEUR OMÉGA

Terre, son cerveau déjà fortement ébranlé par les péripéties sans nombre de notre voyage avait certainement dû se déséquilibrer…

Il était impossible qu’il pût en être autrement.

D’ailleurs, tout dans l’attitude et les propos du docteur dénotait une excitation maladive, une nervosité suspecte… Il ne parlait plus, il chantait… il improvisait des airs bizarres, aux tonalités sauvages ; il ne marchait plus, il sautillait à la façon des passereaux en tenant sa tête renversée en arrière.

Le pauvre savant était si grotesque… que Fred, qui pourtant n’était guère observateur, me dit un jour en son langage pittoresque :

— Je crois que le docteur « déménage ».

Je relevai comme il convenait cette appréciation un peu trop osée, mais simplement pour la forme… au fond, j’étais intimement convaincu que Fred avait raison.

La première nuit passée auprès de notre télégraphe sans fil ne donna aucun résultat… Toutes les heures, le docteur envoyait des courants électriques vers la Terre, ou plutôt vers l’espace, et, l’émission terminée, il restait immobile, le visage collé sur son récepteur… un vrai récepteur Morse, disait-il, qui lui avait coûté un mois de travail.

Fred et moi, nous nous étions endormis… Quand vint le jour, nous retrouvâmes le savant devant son appareil. Le pauvre homme était très pâle et il me sembla que sa tête avait augmenté de volume… ce qui le faisait un peu ressembler à un Mégalocéphale martien…

Je m’approchai et lui touchai l’épaule.

— Eh bien ?

— Encore rien, me répondit-il…

— Et vous espérez toujours ? fis-je en souriant.

Le docteur me regarda d’un œil irrité… haussa les épaules et ronchonna :