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LE DOCTEUR OMÉGA

J’allais l’interpeller quand il fit un brusque crochet et prit à gauche un petit sentier qui serpentait entre des haies.

J’eus alors l’idée de lui crier de s’arrêter…

J’allais même le faire, mais un sentiment de convenance me retint.

Je ne pouvais décemment héler ainsi un homme que je ne connaissais pas.

Il me fut enfin permis d’examiner à loisir cet extravagant personnage, car il se présentait de trois quarts dans le chemin qu’il suivait.

C’était un tout petit homme qui ressemblait beaucoup à feu M. Renan. Il avait comme lui une grosse tête, de longs cheveux blancs, une face grasse et blême.

Il était coiffé d’un chapeau de soie, malgré la chaleur — nous étions en plein été — et vêtu d’une redingote noire aux larges basques dans les poches desquelles on apercevait des rouleaux de papier blanc.

Il marchait en sautillant et ses bottines qui craquaient faisaient un petit bruit assez semblable au chant du cri-cri.

À la main, il tenait une badine avec laquelle il traçait de temps à autre des figures sur le sol, sans pour cela interrompre son agaçante mélopée.

Au fur et à mesure qu’il s’éloignait, peu à peu sa voix s’atténuait…

Ce ne fut bientôt plus qu’un faible murmure à peine perceptible… un petit roucoulement ridicule.

Cette brusque apparition, loin de calmer ma curiosité, ne fit au contraire que l’aviver.

Ce bonhomme, qui en toute autre circonstance n’eût même pas retenu mon attention, me fit l’effet d’un être étrange… diabolique…

Il m’apparut comme un de ces damnés, dont parle Dante, qui chantent au milieu du feu… comme un mauvais