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LE DOCTEUR OMÉGA

— Qui sait, disais-je tristement, si nous ne serons pas réduits au rôle humiliant d’ilotes, de misérables domestiques ?

On nous montrera sans doute comme des bêtes savantes… nous irons de ville en ville enchaînés, tels des ours, muselés peut-être, et la maigre nourriture qu’on nous donnera, il nous faudra la gagner par notre docilité, notre soumission à nos maîtres !…

Sur Terre… sur cette Terre si regrettée à laquelle je ne pouvais songer sans que mes yeux se mouillassent, nous nous étions élevés — le docteur surtout — au-dessus de la masse ordinaire ; ici, notre intelligence ne trouverait probablement aucune occasion de s’exercer, nous serions, selon toute apparence, considérés comme de singuliers spécimens d’une race ridicule.

Nous fournirions sans doute matière à de nombreuses dissertations, et il n’était pas impossible qu’un Martien, plus curieux que les autres, un de ces froids savants pour lesquels la vie n’est qu’une manifestation sans importance, s’avisât de tuer l’un de nous afin de l’examiner, le disséquer, pour se rendre compte du fonctionnement de nos organes et de leur analogie avec ceux de ses congénères.

Pourvu encore qu’il ne lui prenne pas fantaisie de nous écorcher vifs comme de simples grenouilles de laboratoire ou de vulgaires cochons d’Inde !…

Pendant que je faisais ces tristes réflexions, le docteur Oméga, la tête penchée en avant, l’œil fixe, la lèvre inférieure pendante, semblait poursuivre une idée…

Parfois, il poussait un petit cri guttural et faisait claquer ses doigts, ou bien il tirait désespérément sur la chaîne qui le rivait au mur.

Je cessai de monologuer afin de ne point troubler les méditations de mon ami… Car en le voyant si absorbé je