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LE DOCTEUR OMÉGA

rossable, la plupart d’une architecture navrante ; leurs murs, faits de briques rouges et noires disposées avec symétrie, ressemblaient assez à de vastes échiquiers.

À l’extrémité du village, dormait une grande plaine monotone au centre de laquelle s’élevaient deux affreux hangars en planches goudronnées que j’avais toujours pris pour des usines ou des remises aérostatiques.

Ces lugubres bâtiments gâtaient bien un peu mon horizon, mais je ne m’en affligeais pas outre mesure…

J’étais d’ailleurs, en fait d’esthétique, d’une indifférence sans pareille.

Un soir que je me trouvais sur ma terrasse, l’esprit perdu en quelque rêverie mélodique, je ne m’étais pas aperçu que la nuit était venue…

J’allais me lever pour regagner mon cottage, quand soudain, devant moi, une lueur sinistre bondit dans le ciel, se déployant comme un immense serpent de feu… un grand étincellement illumina brusquement les champs assoupis, et un bruit formidable, un fracas tumultueux comme la voix de mille cataractes emplit les échos… La terre fut secouée d’un frisson.

Je me sentis projeté à bas de mon rocking-chair et les vitres de mon kiosque tombèrent en pluie sur ma tête…

Je poussai un cri.

Mon jardinier et mon valet de chambre accoururent aussitôt et me relevèrent avec des airs éplorés. Peut-être craignaient-ils que je ne fusse dangereusement atteint ; peut-être envisageaient-ils aussi avec inquiétude l’éventualité d’une mort qui les eût privés d’un maître idéal, peu exigeant sur le service, et d’une place tranquille qui était une véritable sinécure. Quand ils virent que je n’étais point blessé, leur figure se rasséréna.

— Qu’y a-t-il ?… que s’est-il passé ? m’écriai-je…