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LE DOCTEUR OMÉGA

au lieu d’être massives et droites, étaient noueuses et légèrement arquées.

Figurez-vous une bête étrange, apocalyptique, tenant tout à la fois du lion, de l’éléphant et du tapir, et vous aurez à peu près une idée de l’étrange animal dont la seule vue nous glaçait le sang dans les veines.

Ses yeux, couleur de jade, avaient l’inquiétante fixité de ceux du boa constrictor lorsqu’il guette une proie.

Après avoir poussé un nouveau hurlement plus formidable que le premier, le monstre nous regarda longuement, huma l’air en agitant sa queue puis s’accroupit à la façon des tigres en remuant les flancs… prêt à sauter.

Je compris que cette fois nous étions bien perdus…

Il ne nous restait qu’une chance de salut, regagner le Cosmos et nous enfoncer sous les eaux, mais il n’y fallait pas songer.

Avant que nous ayons eu le temps de faire dix pas, le gigantesque animal serait sur nous.

Le docteur, toujours très calme — cet homme était réellement d’un courage incroyable — brandissait nerveusement son télescope comme si, avec cette arme ridicule, il avait eu la prétention de terrasser le mammouth.

Soudain, Fred s’écria en me prenant le bras :

— Monsieur Borel… donnez-moi votre canne !…

Je lui abandonnai machinalement le levier qui devait me servir d’alpenstock.

Alors le brave garçon, sans hésiter, marcha au-devant de l’ennemi en faisant tournoyer la tige de fer…

J’avoue que cette audace m’émerveilla.

Bien que je considérasse comme de la témérité pure l’acte du pauvre Fred, je ne pus retenir un cri d’admiration et je vis alors notre compagnon sous un tout autre jour.

Je m’étais habitué à le considérer comme un être insigni-