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Ils restèrent longtemps en silence. Chacun voyait dans les yeux de l’autre l’image qui le hantait.

Ils parlaient du passé, des choses les plus secrètes et les plus chères à leur âme, parce que la même émotion poignante les secouait l’un et l’autre, et parce qu’ils n’osaient pas prononcer le nom qui résonnait au fond de leur cœur et qui les troublait d’un attendrissement inconnu.

Glissant sur le parquet verni, le forçat, osseux, ridé, flétri, jaune et silencieux comme un Chinois, apportait des boissons glacées.

La glace avait un goût de sel. Loubet lança un gobelet au forçat en jurant, prêt à bondir sur lui. L’homme avait déjà fui.

Soudain, il reprit sa pensée :

— Elle t’a parlé hier… que disait-elle ? Et moi, je ne suis rien… Elle sourit, son regard passe… Croit-elle que je sois une bête… un chien ?

Maintenant, la brume du marécage avait envahi le camp. Elle le couvrait d’une ouate grise. Ils ne purent plus distinguer les arbres et les cases. Leurs vêtements, la table et leur peau même se couvraient d’une rosée, comme les prés un matin d’été.

Il leur semblait que leurs propos, espacés et confus, étaient à leur tour gagnés par l’ombre humide.