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— Quelle vie… tu ne sais pas d’où tu viens, ni où tu vas…

Avec un sourire désabusé, Ganne reprit :

— Je me souviens du maître d’école qui disait : « L’homme est maître de la nature… » Et tu es plus petit que la plus petite fourmi rouge. La Forêt te regarde avec pitié… Ton cœur bat ; il fait moins de bruit que celui d’un cèdre…

Loubet prenait au passage des papillons verts dont les ailes lui laissaient aux doigts une poussière d’émeraude.

— Je me souviens de l’école… Voudrais-tu revoir la neige et le grand qui avait un fouet et nous forçait à courir sur la route… et le maître qui dormait, et la classe qui ronronnait ?

Ganne hésita et, regardant devant lui :

— Non, fit-il, en secouant la tête.

— Quand il fait très lourd, très dur, comme aujourd’hui, quand le cœur étouffe, je pense au pays…

Ganne l’observait sournoisement.

— Ainsi, tu as un pays… pourquoi l’as-tu quitté ? On pourrit ici.

— Je n’ai pas de pays… Ils m’ont mis dans une maison de correction. C’est passé… Je me suis échappé… Je suis parti de La Rochelle comme mousse sur un voilier. Le voilier… voilà ma patrie.