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Le miracle qui, le premier soir, les avait troublés jusqu’au fond de l’âme, n’est plus qu’un mystère merveilleux qui fait vibrer délicieusement toutes les fibres de leur être. Ils savent que la nuit profonde a, sous les tropiques, de magiques secrets.

Peu à peu, les lentes phrases musicales, entrecoupées de longs soupirs, s’éteignent une à une.

La viole est une chose inerte et noire, invisible quelque part sur le sol.

L’air tiède garde encore des vibrations qui meurent, diminuendo, comme des sanglots dans une poitrine apaisée.

La tristesse venue au cœur des deux hommes est semblable au froid qui glace les épaules au coucher du soleil : c’est un désenchantement et une sorte de désespoir, dolent et sombre qui les tient longtemps, le front penché.

— Qui es-tu ?… tu ne sais pas d’où vient ton sang… pourquoi vis-tu ? tu chasses, tu fouailles les chiens, tu cours… à quoi te sert de vivre ?

Du marécage montait la vapeur brûlante qui remplit l’air comme une chaudière en ébullition.

Les deux hommes, assis coude à coude, se dévisageaient en silence, puis regardaient les épaisses colonnes de fumée opaque dressées sur le marais.