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Le Soir déroule de longs tapis pourpres et bleus sur le sentier où les pas des hommes font un bruit de fourmilière en marche.

Ingénieurs et contremaîtres blancs et noirs, mineurs de toutes races, métis sans patrie venus on ne sait de quelle frontière, nomades et hors-la-loi se soumettant à l’atroce rigueur du travail pour ne pas mourir de faim, toute la foule des bêtes humaines qui obéissent sur cette terre libre à la volonté de la Compagnie, tout le troupeau exténué des esclaves, chemine sur la route écarlate, derrière le Soir, dieu rouge.

Derrière le Soir, dieu rouge, viennent les hommes qui répondent à l’appel de l’Indien, dressé sur l’horizon, les bras en croix, étincelant de lumières comme un arbre mort frappé par la foudre.

Derrière le Soir, pasteur des peuples, viennent les hommes harassés, épuisés par le jour, et sans nombre.

Et, comme monte l’eau d’un mascaret, les choses silencieuses s’engagent à leur tour sur la route éblouissante. La drague, secouée d’un court frémissement, s’ébranle et glisse sur le lac ; son large toit de zinc, rutilant sous les feux du crépuscule, la fait ressembler à quelque héron blanc séchant ses ailes déployées, à la dérive, sur le fleuve.

Dans la brume de mousseline rose, les tracteurs, les tanks, les scies géantes et les chaudières sur