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herbes. La pirogue était partie, abandonnée au courant.

Comme il s’était cramponné à la vie… C’était lui, qui, dans les derniers jours, disait les paroles d’énergie et de passion qui ressuscitent l’âme.

Les ténèbres étaient froides et lourdes aux épaules ainsi qu’une bruine d’automne. Les hommes s’approchaient des braises du foyer jusqu’à sentir la morsure du feu.

Ils se taisaient. Autour d’eux le frémissement de la solitude s’insinuait et les enserrait de plus en plus. Ils n’avaient plus la force de se lever et le sommeil qui les gagnait était comme une main de plomb qui s’abattait et les étreignait à la nuque.

— J’ai peur, fit Marthe… et j’ai soif… et je souffre.

Sa voix était si altérée qu’on aurait cru que c’était une autre qui parlait.

Aucune voix ne répondit, Pierre se pencha sur la jeune femme et mit les mains sur ses genoux nus.

Les hommes du convoi mouraient, un à un sur la route.

Ils allaient ainsi sur le fleuve sans fin, avec la lumière meurtrière et le vent qui siffle. Ils mou-