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sent : des mains et des visages humains, irradiant une clarté lunaire, qui flottent et se déplacent, comme des objets à la dérive sur une eau calme.

Je sens tout près de moi une présence invisible. Mais l’ombre qui se détache des vapeurs du fleuve a déjà pris la forme du fantôme. Il est là qui me frôle et cherche à prendre mes mains.

Je me dérobe… Je vais fuir…

le trouble magique m’envahit… Le regard du fantôme a pénétré jusqu’au fond de moi. Il me domine…

— Parle-moi… Mon âme fragile et malade chancelle. Tout est à jamais fini… Les hommes déments s’entretuent à nouveau.

Une obsession m’absorbe tout entier ; mes mains sont imprégnées de santal… Et l’odeur enivrante glisse à travers mes doigts comme une buée, monte en spirales, et dessine une fleur sauvage à longs pétales blancs, une orchidée languissante qui est la fleur que Marthe m’avait donnée.

Suivant à la file indienne le bord du fleuve, les hommes avancent. Ils courbent souvent la tête pour éviter les branches basses des palétuviers. Parfois, ils entrent dans l’eau jusqu’aux genoux, au croisement des criques. Les voici assemblés. Leur visage est calme ; la force qui est en eux se reflète dans leurs yeux apaisés. Ils préparent hâtivement, dans l’anse abritée où j’ai déjà tendu