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— Marthe… le feu d’autrefois brûle encore en moi. Je croyais avoir oublié la blancheur de vos bras et l’éclat de vos yeux. Une autre vie commençait… je vois bien maintenant que les hommes qui sont là, et moi-même, sommes revenus à l’existence antérieure.

J’invoque en vain les arbres inertes et le fleuve… J’invoque en vain l’heure torride et le feu qui incendie toutes choses… Il n’y a pas, dans la langue des hommes, d’image qui puisse rendre la beauté de la femme étendue sur le sable, les pieds nus reflétés dans l’eau tranquille, le corps noyé dans la pénombre mouvante qui vient des longues palmes arrondies jusqu’à terre.

Marthe sourit ; sa radieuse beauté est un fruit mûr et doré, ouvert sur le sol. Elle est toute la chair épanouie, tout le désir, toute la splendeur de l’été.

Je croise sur mon visage mes mains auxquelles je demande un parfum disparu. L’âme ardente des santals a pénétré le jeune corps qui est là, sous mes yeux, et qui irradie l’angoissante senteur du bois odorant.

Rampant sur le sol comme une bête attirée par la lumière, je prends, pour apaiser le feu de mes lèvres, la main souple et menue qui s’abandonne. Je bois ainsi le vin au goût d’ambre et de noisette,