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temps à vivre, mais je suis sûr de ne pas avoir eu d’accès lorsque vous avez tous quitté le camp. Ce n’est pas vrai… il n’y avait personne ici. Vous partirez encore ; mais moi, je ne veux pas rester seul. Quelqu’un a ensorcelé ce camp…

Comme l’ingénieur levait le bras, prêt à frapper, Marthe s’élança.

Le forçat, les yeux enflammés, le visage livide, se tenait immobile. Le geste de Marthe semblait l’avoir transfiguré. Sa poitrine dressée, sa tête rejetée en arrière, rayonnaient d’orgueil.

Regardant la jeune femme en face, il répéta lentement, en hésitant un peu parce que sa gorge oppressée respirait douloureusement :

— Quelqu’un ici a ensorcelé le camp.

Delorme, haussant les épaules, disparut dans l’encadrement de la porte.

Marthe et le forçat restèrent seuls, face à face, dans la gerbe évasée de lumière qui venait du seuil.

Soudain, comme une voile gonflée qui tombe avec le vent et fait craquer d’aise le navire soulagé, le visage du forçat, dont les muscles raidis sous l’effort étaient comme des cordages tirés au treuil, se détendit et se couvrit de lumière. Une expression de joie intense rayonna des yeux apaisés, de la bouche entr’ouverte et du front qui s’inclinait lentement.