Page:Galmot - Un mort vivait parmi nous, 1922.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Partir… voilà le but. Mais pourquoi ? Une force t’entraîne… on ne sait où.

— …

— Tu ne peux même pas savoir quel est le mobile de tes actions… Tu penses… un autre agit pour toi.

La nuit formait autour des hommes une brume opaque et tremblante.

Comme chaque soir, de voluptueux parfums rampaient dans l’air humide, frôlant les visages, ainsi qu’une lente caresse de femme.

Après la dure journée de travail, les hommes avaient accoutumé de méditer ainsi lorsque, dans l’accablement qui précède le sommeil, la fatigue du corps a libéré l’esprit. Rien n’existait sur ce placer de ce qui distrait les hommes d’Europe. Ils rêvaient, debout, et éveillés ; ils scrutaient sans relâche leur âme qui, dans le silence torride des soirs de la jungle, vit avec intensité.

Parfois, un chant s’élevait ; tous se taisaient, les yeux fermés, écoutant la voix qui pleurait passionnément. Ils reprenaient en chœur le refrain, suivant l’usage des matelots à bord des voiliers par temps calme.

Mais, ce soir, la visite silencieuse de Marthe, la solitude et l’ennui, la peur d’eux-mêmes et de la jungle, le trouble mystérieux de leur âme les tenait frissonnants. Ils attendaient la révélation.