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force qui réside toute dans le regard de Pierre et qu’elle ne s’explique pas. Elle voudrait s’agenouiller, pleurer et dire des mots d’abandon.

Comment est-il possible de rester ainsi silencieux après une si longue absence ? Et ce drame qu’elle a vécu… il faut bien qu’elle le raconte…

Mais ce regard de saint et de fou, ces yeux qui fouillent en elle et qui la tiennent, fragile, domptée, impuissante comme une barque à la dérive…

— Pierre…

Et tout à coup, cédant au trouble de ses sens de femme, elle s’abat à ses pieds.

— Ce n’est pas vrai, dit-elle, ils ont menti.

— J’irai, dit l’Indien. Je lui dirai que le cœur des arbres même a battu d’amour pour elle, que les aigles ont frôlé le toit de sa maison, et que les hommes se sont entretués pour son sourire… Ceux qui restent la convoitent encore, mais aucun d’eux n’oserait la toucher par peur des autres et par peur de lui-même.

— L’âme exaspérée des hommes et des choses est comme un arc tendu à se rompre ; chacune des fibres de leur esprit et de leur corps frémit et