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des ténèbres et du silence et les odeurs angoissantes des santals de la rive.

— Plus vite…

Le vieillard, les mains crispées sur la large palette, précipite les coups, halète et gémit.

— Plus vite…

La pirogue semble être immobile sur l’eau noire, comme si quelque lien l’attachait au dégrad. Je cherche en vain quelque point de repère. Rien n’apparaît dans l’obscurité compacte.

— Plus vite…

L’aveugle, épuisé, peine de toutes ses forces et geint sans arrêt. La pirogue, redressée à l’avant par les coups répétés, embarque et nage dans un remous d’écume. Cependant, j’ai, à chaque instant plus sensible, l’impression qu’une force nous retient, et que la pirogue lutte sur place contre le courant. C’est une angoisse qui grandit, une frayeur encore confuse, dont je ne discerne pas la raison.

— Plus vite…

Une douleur aiguë, comme un pincement de tenailles, me meurtrit le cœur. Sous la déchirure que je sens en moi, mes yeux se sont emplis de larmes.

Un mot est venu à mes lèvres :

— Marthe…

Il est comme un fer rouge sur ma poitrine. Les ongles pénètrent dans les paumes des mains, la tête