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dés du visage fripé et grimaçant avaient un aspect asiatique et bestial.

Le forçat raclait au couteau la peau du grand singe dont la chair séchait au gibet pour le repas du soir. Les mains rouges de sang, il alluma un feu de bois vert et étendit sous le vent la fourrure qui devait ainsi sécher à la fumée.

L’heure lourde endormait les bêtes et les choses.

L’heure lourde…

Des bruits enveloppés de silence…

Il faut avoir vécu seul dans la jungle pour entendre ce silence vivant.

Il y a des solitudes qui sont peuplées comme des villes, et des jours plus chargés d’ombre que des nuits de printemps.

Il y a dans le silence de la forêt des voix toujours nouvelles : des sanglots, des cris étouffés d’enfants, des coups sourds, comme des coups de hache dans le lointain, et, tout proche, un froissement d’ailes, le tremblement du vent dans les cimes, et toujours un grondement comme le frottement de l’eau sur une plage.

Dans le clair-obscur de la forêt, le jour était humide et vitreux, semblable à celui des profondeurs marines.

Les hommes dormaient, couchés sur le dos, comme des moissonneurs au repos. Une odeur acide venait du corps écorché qui séchait au soleil.