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l’épaisse tenture du ciel, comme le reflet d’une lampe jaillissant d’une porte entr’ouverte.

Marthe, frissonnante, était devant nous, les joues rouges d’avoir couru, la poitrine oppressée.

— Je ne peux pas aller où je veux, dit-elle ; je pars… une force mystérieuse m’entraîne au-delà de mon chemin… Je voudrais tant être libre…

Le son d’une flûte, modulant sur trois notes un chant monotone, indéfiniment répété, s’éleva de l’ombre où dormait le village. On entendit des voix, un sifflement aigu, les aboiements des chiens.

Puis la nature ne fut que sommeil et silence.

Des étoiles brillaient comme des lampes lointaines, versant sur le monde l’eau chatoyante d’une molle lumière houleuse.

Je tenais dans mes mains les mains tièdes de Marthe.

C’était, dans la nuit tropicale, humide, fraîche et très lourde, comme une haleine de printemps, sous les lilas, un soir, très loin, dans le passé.

— Marthe…

De sa tête, appuyée à mon bras, je ne voyais que les cheveux en torsade et la nuque imprégnée d’une odeur fauve d’ambre.

Tremblant au vent comme un bruit d’ailes froissées, un appel venu du camp planait et descendait lentement.