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la forêt, ni le pas des hommes… Je ne vois que du silence et l’image de la mort…

Mais je te suis reconnaissant, ô Navire, de me parler et d’être là, tremblant, vivant, et d’être enfin pour moi la certitude que tout n’est pas fini… »

Et voilà que le vent s’est levé. Des voiles claquent, l’eau crie en heurtant la coque… et la voix du Bateau monte, s’enfle et j’écoute… Longtemps, pendant des heures, j’ai écouté le récit du vieux navire ; j’ai écouté, les yeux agrandis d’épouvante et de joie, le récit merveilleux qu’aucun homme n’a jamais entendu…

La Mer !

— Tu regardes un homme et tu passes… Tu n’as vu que l’ombre neutre de son vêtement… Et pourtant c’est une âme angoissée qui était là, un cœur affolé d’amour ou de crainte ou de haine, un cœur vibrant, changeant, toujours nouveau.

Tu n’as pas vu la vie intérieure qui est toute la vie, la seule vie.

De même, tu regardes le manteau de la Mer et ce vêtement t’irrite parce qu’il ne porte pas comme la terre une pauvre vie extérieure…

Mais, moi, je vois la vie intérieure de la Mer. Mes yeux pénètrent le monde où s’agite la jungle de l’Océan, et mon flanc touche le cœur