Page:Galmot - Quelle étrange histoire, 1918.djvu/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.


XI


— Tu penses que tu es quelque chose, tu t’agites, tu rêves, tu te gonfles d’orgueil… et tu n’es rien.

Le vieux Bateau maussade, accablé de soleil, soupire et gémit, alourdi dans sa marche comme un vieillard exténué par l’été.

— Tu t’irrites ; crois-tu que la vie ait besoin de toi ? Tu cherches la vie… Comme elle n’était pas sur la terre où tu es né, tu es parti. Mais tu ne vois pas la vie, car tu es un paysan et ton cœur est fermé… Regarde la Mer, écoute… regarde, paysan…

— Je vois, ô navire, je vois la plaine stérile de l’eau, un lac où la lumière se brise et s’étale, un miroir bleu et gris… un miroir inerte sur lequel rien ne croît… désert infécond et lugubre…

Et je n’entends aucune des voix de la vie sur cette eau égale. Le vent n’agite pas les arbres et les feuilles ; je n’entends pas le crissement onduleux des moissons, ni le chant des vendangeurs, ni les appels des bêtes en amour dans