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au bastingage… Elle pleurait, Elle pleurait. Son beau visage, fin et régulier, était si pâle, sous la lune… Quand Elle m’a vu, là près d’Elle, Elle a eu un geste mauvais de recul.

— Pourquoi lui as-tu parlé, homme stupide et qui ne sais rien de l’amour. Crois-tu que le docteur lui parlait ?… Il était là, il regardait la robe argentée de la Mer et il se taisait… Tout près l’un de l’autre, le visage ébloui de la clarté lunaire, ils se taisaient. Le silence les étreignait ; leur cœur serré battait plus vite ; ils souffraient délicieusement ; ils étaient pâles, angoissés et heureux.

Il y a deux ans que le docteur est à bord. J’ai entendu le capitaine lui demander souvent pourquoi il ne recherchait pas un poste plus vivant :

— Vous perdez les belles années de votre vie à rêver oisif sur ce vieux rafiot, disait-il.

Mais allez donc faire comprendre à un capitaine bourru et qui sent le gin les beautés de la vie intérieure et la divine passion du silence.

Je ne sais ce qui l’a conduit à se murer ici… peut-être l’Amour, peut-être le culte qu’il a pour le violon et qui le fait, certains soirs de tempête, venir seul, les yeux en feu, accorder son violon au rythme ardent de la Mer… Peut-être aussi est-ce la drogue…