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souvenir ! Voici le banc où les amoureux prirent leur premier baiser, un soir sans lune ; voici l’escalier par où la femme s’est enfuie, dans cette nuit torride où l’amant est mort tout à coup, agrippé à elle ; voici le coin du bastingage sur lequel, par une nuit pareille, une robe de soie s’est penchée pour tomber à la mer, dans un grand cri…

Chaque objet, chaque meuble a vu l’amour qui, sous les cieux surchauffés des Antilles, incendie toutes choses.

Le Bateau flotte comme du liège. Il lui semble que jamais son cœur n’a été aussi léger. Il joue à escalader les ondulations à peine visibles de l’eau ; il semble prendre son élan pour passer une vague que l’on ne voit pas ; il dresse sa quille et retombe dans le vide comme si un obstacle réel était là.

Puis, il grimpe tout en haut d’une minuscule colline d’eau, et il se tient là, en équilibre sur cette chose liquide dix fois moins grosse que lui.

Il tangue pour le plaisir. Et c’est lui, le silencieux, le taciturne, qui a ramené la vie et la joie. C’est sa folie qui a gagné tout le bord et qui fait que les jeunes officiers se prennent par la taille pour valser, au son d’une musique imaginaire.