V
— Crois-tu qu’Elle viendra aujourd’hui ? Je le crois. Tu ne l’as pas vue… Elle est blonde. Elle est menue. Elle passe, on ne la voit pas. Elle ne fait pas de bruit.
Le pont ruisselle de soleil. Une odeur chaude de mer au repos enveloppe le vieux navire. Le pont s’étire et roule sous la lumière qui le grise.
Des toiles claquent çà et là au vent léger.
Et le Bateau chante dans sa marche ; il chante un refrain monotone que la Mer accompagne d’un grondement joyeux.
— Crois-tu qu’Elle viendra ?… répète le Bateau… Et toi, qui es-tu ? Que fais-tu seul sur ce banc à regarder la Mer ? Connais-tu seulement le langage de la Mer ? Elle parle, elle parle et tu n’entends pas. Tu es là, stupide, tu regardes les rides de l’eau et l’écume qui flotte, et tu n’entends pas…
Aujourd’hui, je me sens une âme de printemps, un cœur fleuri. Ce soleil d’hiver m’enivre, et je sens comme une odeur d’amour. Je crois qu’Elle est levée et qu’Elle va venir…