LXXI
— Pourquoi tant d’agitation ? Cette femme est partie, qu’importe… Le village dort sous les cocotiers. C’est l’heure torride.
Le forçat libéré qui nous sert est brûlé par la fièvre. Le teint ocreux, les pommettes saillantes, voûté par la cachexie et le paludisme, il promène autour des tables une silhouette de squelette.
Des gardes-chiourmes en uniforme kaki, quelques flibustiers des mines d’or, des filles sans race accablées par la sieste… Sur la table, des pots de tafia, de la glace, des jeux de cartes et les revolvers des surveillants militaires.
Derrière un rideau de bananiers, on aperçoit le fleuve boueux et la chaloupe qui nous attend pour nous ramener vers l’intérieur.
Une corvée de forçats passe, en livrée de bure. Nu-pieds, ils défilent, silencieux, comme des ombres.
— Cet homme était fou. Quelle idée de venir avec une femme sur un pénitencier !…