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âme se révèle dans la plainte aiguë qui sort de toute chose.

Une muraille d’eau s’abat sur nous et nous noie. Non, nous voici devant une autre muraille mouvante…

J’ai quitté la cabine où le bruit m’étourdit. Et qu’y ferais-je ? Ma malle et ma cantine s’entre-choquent, poussées par l’affreux roulis, au risque de me rompre les jambes.

Accoudé au bord d’une fenêtre du salon, je vois venir les plis monstrueux de la mer qui nous soulèvent et nous roulent dans un drap d’écume.

Et le hurlement incessant de la mer, ce hurlement aigu de bêtes en fureur, ces tonnerres, ces détonations…

Le vieux bateau pleure…

Quelle désolation ! les voix intérieures répondent au fracas de la mer par des prières qui déchirent l’âme.

On entend souffler les machines.

Montant des couloirs déserts où la lumière vient de s’éteindre, la voix qui m’a réveillé a repris :

— C’est ici, à cent milles au large d’Ouessant, que mon frère, Prince Whillem, est mort sous la colère de la mer.

C’est ici… La mer l’a couvert tout à coup, et