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descendent le rapide. C’est un convoi d’Indiens venu des placers.

À midi, les hommes épuisés amarrent la pirogue sur une pointe de rochers.

Leurs corps trempés fument. Le vieux garde-chiourme scrute les ombres mouvantes de la berge. Parmi les piétinements mystérieux, les cris aigus et lointains, faibles et rapprochés, les sifflements, les soupirs et les craquements de la forêt et de la rivière, il discerne les bruits familiers et cherche à reconnaître les traces du passage des hommes.

Un forçat a relevé sur un rocher l’empreinte d’un pied humide.

— Les Indiens tirant à la cordelle, dit le vieux garde-chiourme, sont passés ici il y a moins d’une heure. Le soleil n’a pas encore séché la trace. Il faut repartir.

Des brouillards en spirales glissent le long de la berge. Des arbres morts flottent.

Le vieux garde-chiourme se sent mal à l’aise sans pouvoir définir son trouble. Dans le silence de la solitude, il perçoit une mystérieuse influence qui ne vient ni de son cerveau, ni de ses sens. Vingt ans de brousse lui ont donné la merveilleuse adaptation à la forêt qui est le sixième sens des Indiens et des oiseaux migrateurs.