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XLI


Une odeur poignante de rose et de musc sort de la boue remuée par le piétinement des hommes.

Le contremaître bourru donne des ordres.

— Hardi, fainéants, hardi, les gars…

Le tronc de bois de rose, lourd de trois tonnes, halé par vingt forçats, est enfoui dans le marais et glisse sous dix centimètres de vase.

Arc-boutés à la cordelle, les bagnards geignent et tirent, nus et gluants.

L’arbre odorant, blessé par les crochets qui l’entourent, saigne un abominable parfum de tubéreuse.

Voici la crique et les canots plats qui attendent le chargement. Les nègres saramacas accroupis, écoutent.

Un ara hurle dans le ciel.

Le soir est proche ; on le voit venir à la pointe de la rivière. Des écharpes de brume flottent sur la haute futaie de la brousse. Et, tout à coup, comme un rideau de théâtre qui tombe, la nuit s’abat sur la forêt.