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JE SAIS TOUT

Rougissante, elle lança un regard rapide vers le beau jeune homme à la physionomie ouverte, assis en face d’elle, puis elle baissa les yeux sur sa tasse de thé.

— C’est très aimable à vous de parler ainsi ; moi, je ne trouve pas cet appartement si sombre.

Elle le regarda et sourit.

— Je veux dire que je me rappellerai toujours comment vous êtes venue ici, où vous vous êtes assise, ce que vous avez dit et cela me donnera bon courage pour travailler, oui, vraiment.

— Vraiment ?

— Oh oui, c’est sûr, je ne puis pas exactement expliquer comment ça se fait, mais c’est la vérité. Vous ne pouvez savoir combien vous m’avez réconforté. Vous souvenez-vous de notre première rencontre ?

— À la pension ? Oui, je pleurais, je crois ?

Il fit un geste et toucha presque la petite main à travers la table, pour la consoler.

— Il y avait de quoi pleurer, dit-il avec conviction. Ce vieux professeur Paley est un vieux grincheux, vous savez.

— Oh ! vous êtes bien bon de le dire, mais mon dessin était affreux. Je me sentais si stupide ce jour-là !

Il fit un geste de violente dénégation, mais elle hocha la tête et se mit à rire.

— Non, c’est la vérité, je vous assure. Et alors vous êtes venu, vous avez été très bon, vous m’avez aidée. Oh ! vous ne savez pas combien je vous en ai été reconnaissante !…

— Tout le monde en eût fait autant à ma place !

— Oh ! non, pas tout le monde : d’ailleurs, personne ne l’a fait. Et puis, voyons, alors, qu’est-il arrivé après ?

Elle leva les yeux vers lui de la façon la plus innocente, elle fronçait les sourcils et avait posé un doigt sur sa bouche.

— Certainement ! s’écria-t-elle et, alors, nous nous sommes aperçus que nous avions beaucoup d’idées en commun… que nous aimions les mêmes gens… C’était vraiment curieux… Voulez-vous ?… Soyons des amis tout à fait sincères l’un pour l’autre. Je suis si seule !… Vous ne savez pas comme il m’est agréable de venir chez vous, bien que ce soit pour la première fois, et vous êtes si bon pour moi, monsieur Brett !

— Oh ! non, fit-il en rougissant, ne dites pas ça. Qui donc pourrait ne pas être bon pour vous ? C’est si naturel et… et je veux vous aider. Je le voudrais, si je le pouvais.

— Vous m’avez aidée plus que vous ne le pensez. Vous êtes le seul ami sincère que j’aie, dit-elle doucement. Quand mon père est mort, j’ai été laissée toute seule. Je n’ai qu’une tante avec laquelle je vis. Elle n’est pas bonne pour moi, mais quand mon pauvre papa est mort, seule au monde et sans le sou, il a fallu que j’aille chez elle et… c’est elle qui s’est occupée de moi depuis. Daddy était riche dans le temps, mais il a tout perdu et cela lui a brisé le cœur.

— Et maintenant ? demanda-t-il doucement.

— Oh ! maintenant, nous nous arrangeons n’importe comment. Je peins des menus, des petits dessins et je paie une pension à ma tante. Papa voulait que j’aille habiter chez elle. Tante a eu assez d’argent pour vivre seule.

Elle soupira et sourit en le regardant.

— C’est tout, je crois, dit-elle.

— Et il vous faut vivre avec cette horrible vieille tante et travailler pour gagner votre vie ? dit-il d’une voix sombre. C’est bien dur.

— Je ne gagne pas absolument ma vie, reprit-elle, et n’ai pas à me plaindre. Il y a des jours sombres et où je sens ma solitude, mais il y a aussi des jours