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TATERLEY
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telle somme, ils ne me connaissent pas et… il jeta un regard sur ses habits usés.

— Oh ! nous pouvons surmonter cette difficulté, cher monsieur, dit Anistie, Voulez-vous encaisser, ou…

— Oui… encaisser.

— Très bien, je vais envoyer mon premier clerc avec vous, on le connaît. Envoyez-moi M. Smithson de suite.

M. Smithson parut et Anistie leva les yeux.

— Allez en face, à la banque, avec monsieur, Smithson. Il a un fort chèque à encaisser, dites-leur que tout est en règle, qu’ils peuvent payer, voulez-vous ? Caleb se leva, prit le chèque, serra les mains d’Anistie et sortit en lui disant :

— Je vous suis très obligé.

Bientôt il se trouva dehors, son rêve devenu une réalité, l’argent dans sa poche en billets de banque.

Même alors il ne pensa ni à boire ni à manger. Son visage hagard, usé, mais triomphant était toujours tourné vers la même direction et une heure après avoir touché le chèque, il se trouvait chez un jeune avoué, un homme de la droiture duquel il avait jadis entendu parler.

L’avoué fut sans doute très surpris de la mission dont le chargeait le vieil homme, mais il ne le montra pas. Caleb fut, selon son habitude, sarcastique.

— Je n’ai pas beaucoup de confiance, en général, dans les avoués, dit-il, mais en cette occasion j’ai besoin d’avoir recours à leurs services.

Il sortit les billets de banque de sa poche et les mit sur la table.

— Veuillez écouter avec la plus grande attention ce que j’ai à vous dire.

— Je suis toute attention, monsieur.

— J’ai là une somme de plus de quarante mille livres. Je desire déposer cette somme à une banque au nom de M. Donald Brett. Je vous donnerai tous les détails par écrit. Vous vous demandez, sans doute, pourquoi je ne fais pas cela moi-même. Je puis vous dire qu’il m’est impossible de me montrer en cette affaire, à un point de vue purement sentimental : ce jeune homme ne doit pas savoir d’où vient l’argent.

— Mais il posera sans doute des questions ?

— Naturellement, il le fera. Vous lui direz que cet argent lui vient d’un vieil ami de sa mère, que cet ami est mort aussi et n’a pas voulu être nommé. Vous pourrez dire cela sans scrupule, car c’est la pure vérité.

— Oui, je crois que je comprends, dit l’avoué. Je dois déposer l’argent à la banque, sous le nom de ce jeune homme, je dois le présenter aux banquiers, tout aplanir pour lui, afin de le mettre rapidement en possession de ces fonds ?

— Exactement, c’est bien ça, dit Caleb ravi. Soyez aussi vague que vous voudrez avec lui, l’essentiel c’est qu’il ait rapidement cet argent. Dites aussi que son bienfaiteur a stipulé qu’il ne doit parler à personne de cette fortune, ni de la manière dont elle lui est venue, à personne, excepté à sa femme.

— Oh ! notre jeune ami est marié, alors ? demanda l’avoué.

— Certainement, certainement. Voilà l’argent.

Et Caleb remit la somme à l’avoué, après en avoir extrait deux mille livres, qu’il mit dans sa poche après un instant d’hésitation.

Il arrangea tous les détails ; paya toutes les dépenses et reçut un papier bien rédigé, tout à fait en règle. Toutes les formalités enfin accomplies, il sortit affaibli, étourdi, mais le cœur battant de joie.

— Plus de tristesse pour ma petite Ella. Je n’ai rien à craindre d’eux, je les connais assez pour savoir qu’ils emploieront bien cet argent.

Il pleurait presque de joie à l’idée de son triomphe. Il parcourait les rues en parlant tout seul.

Le souvenir des deux mille livres dérobées au cousin Hector lui revint.