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JE SAIS TOUT

Il entra hardiment dans le bureau et, après un instant, trouva celui qu’il cherchait. M. Anistie était penché sur un pupitre, sans lever les yeux. Pourtant, le bruit de la porte qui se refermait le fit se redresser. Il regarda fixement Caleb pendant que le vieillard s’avançait vers lui.

— Mon nom est Taterley, dit Caleb.

L’agent de change sourit avec embarras et s’excusa.

— Je vous demande bien pardon, dit-il, mais vous m’avez un peu surpris, votre ressemblance avec quelqu’un qui faisait beaucoup d’affaires avec moi, m’a saisi. C’est tout à fait remarquable. Je vois bien la différence à présent, mais au premier moment… Voulez-vous vous asseoir ?

— À qui faisiez-vous donc allusion ? demanda Caleb avec un sourire.

— À un certain Caleb Fry, qui est mort subitement il y a quelque temps, m’a-t-on dit. Un homme d’affaires très fort, très fort, monsieur.

— On me l’avait bien dit, je l’ai connu, dit Caleb.

— C’est encore plus remarquable, dit l’agent de change. Oserai-je vous demander si c’était votre père ?

— Oh ! grand Dieu, non, j’étais simplement son domestique. Je lui ai entendu parler de vous et j’ai eu l’idée de venir vous trouver. J’ai un peu d’argent pour spéculer.

— Je vois, je vois, dit M. Anistie en souriant. Feu M. Fry vous a laissé quelque chose et vous voulez marcher sur sa trace, hein ? À propos, il a dû laisser une belle fortune ?

— Oh ! très belle, dit Caleb en sortant l’enveloppe de sa poitrine.

Quelques minutes de conversation convainquirent l’agent de change qu’il causait avec un homme d’affaires. Caleb lui parla des actions qu’il comptait acheter et il remit ses deux mille livres de couverture.

— Vous vendrez au chiffre que je vous ai indiqué, dit Caleb en se levant.

— Je pense que cela peut atteindre ce chiffre, monsieur Taterley, mais c’est une affaire risquée, dit l’agent de change en haussant les épaules.

— Je suis bien tranquille, ce sera fait rapidement, en quelques heures, peut-être. Je passerai demain. Bonjour.

Caleb, saisi de fièvre, erra le reste du jour et une partie de la nuit. Il se demandait ce que faisaient Donald et Ella, il avait soif de les voir. Leur avait-il manqué ? Étaient-ils tristes de son absence inexpliquée ?

Durant ces heures tourmentées, il ne prit pour ainsi dire ni nourriture, ni repos. Le matin le trouva encore déambulant dans la Cité.

L’après-midi, il revint dans l’office de l’agent de change.

Anistie le regarda avec respect et lui serra les mains.

— Eh bien, vous avez vendu, dit Caleb d’un ton anxieux.

— Oui, votre chiffre a été atteint cette après-midi et nous avons liquidé de suite. Je vous félicite, monsieur Taterley.

— Je savais bien que j’avais raison, dit Caleb lentement.

— La chance vous a accompagné. Vous devriez continuer. Caleb hocha la tête.

— Non, fit-il, c’est fini. C’est la première et la dernière fois.

— Alors, je suppose que vous voulez votre argent, monsieur Taterley ? Voulez-vous que je vous donne un chèque ?

— S’il vous plaît, dit Caleb. Naturellement, vous prendrez votre commission, ajouta-t-il, en feignant l’ignorance.

— Naturellement, reprit l’agent de change souriant. C’est une grosse somme, monsieur Taterley, vous avez été heureux, près de cinquante mille livres.

Il écrivait rapidement en parlant.

— Il me vient à l’idée que vos banquiers pourraient hésiter à me payer une