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TATERLEY
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Il s’arrêta et regarda autour de lui.

Des pas dans l’escalier… Caleb se leva frémissant. Il se tourna, comptant machinalement les pas, gravissant les marches et s’approchant. Soudain, il crut s’apercevoir que ces pas étaient fort irréguliers. Un pas était ferme, l’autre lourd et incertain. Il attendit surpris, ses yeux tournés vers la porte tombèrent sur la bouteille de liqueur. Il avait compris.

— Ivre ! dit-il tout bas avec une joie secrète. Il est ivre !

Le bouton de la porte tourna dans la serrure et le cousin Hector resta sur la porte, le chapeau en arrière de sa tête. Il oscillait contre la porte. Il jeta un coup d’œil ahuri et d’une gravité comique vers Caleb.

— Alors, vous voilà, hein ? dit-il en entrant dans la chambre et en faisant tomber brusquement son chapeau sur la table. Il posa ses deux mains sur la table et se penchant vers Caleb, cette fois, il le regarda d’un air tragique.

— Je voulais justement vous voir au sujet de quelque chose de très important, dit-il. Que diable est-ce que c’était ? Il remuait la tête, souriait et fronçait le front en même temps.

— Ah oui, ah ! c’est à propos de la jeune femme. Ah ! je sais. Qu’est-ce qui vous prend de venir ici et d’insulter une dame, hein ? Ça ne fait rien, ça ne fait rien, je vous pardonne. N’en parlez plus, mais que ça n’arrive plus, voilà tout. Prenant une physionomie pleine de sérénité, il fit le tour de la table, Enfin, il parvint à s’asseoir.

— Par Jupiter ! dit-il, quelle nuit ! En voilà un tas de bons garçons joyeux, pleins de cœur… Eh bien, Taterley, que puis-je faire pour vous ?

Il leva les yeux et regarda Taterley d’un air encourageant.

Caleb le regardait, dégoûté. Il s’était à peine remis en voyant la nouvelle tournure qu’avaient pris les événements. Il ne savait que dire.

— Vous êtes un satané rigolo, Taterley, dit le cousin, prenant la bouteille de liqueur dans sa main tremblante et cherchant un verre autour de lui. Donnez-moi un verre, Taterley ?

Caleb allongea la main pour prendre un verre et le lui tendit. Il le regardait verser la liqueur d’une main mal assurée.

— Je voulais vous voir, dit-il, faute de trouver autre chose.

— Eh bien, vous me voyez, Taterley, reprit l’autre d’un air gâteux en remuant la bouteille d’une main et en jetant un coup d’œil sur le verre vide. Pas le cousin des jours passés, qui devait faire attention aux moindres shillings, mais Hector Krudar Esqre, qui se fiche pas mal d’un shilling ou de deux et même d’une livre ou de deux et qui sait dépenser son argent, Taterley, mon garçon.

— Oui, je vais vous apprendre à le dépenser, marmottait Caleb. Et il s’assit résolument de l’autre côté de la table, en face du cousin Hector. Écoutez-moi, dit-il, voyons, réveillez-vous.

— Ne soyez pas si dégoûtamment impertinent, Taterley, dit Hector avec une grande dignité et en faisant une tentative infructueuse pour se redresser Restez à votre place, Taterley.

— Je sais comme vous êtes prêt à dépenser de l’argent, dit Caleb avec une ironie qui fut perdue pour son interlocuteur. Je veux que vous en dépensiez. Je veux que vous m’en donniez. Voyons, me comprenez-vous ?

— Que je vous en donne ? dit en riant le cousin Hector. Pourquoi ?

— Mais, pour moi, naturellement, dit Caleb.

— Sottises ! ne me dites pas ça. Vous en voulez pour le jeune imbécile et sa charmante femme. Qu’ils, aillent au diable. C’est pour eux que vous en voulez, vieille canaille !

Caleb renfonça l’injure qui lui montait aux lèvres.