Page:Gallon - Taterley, trad Berton, paru dans Je sais tout, 1919.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
738
JE SAIS TOUT

Il fit flamber l’allumette et leurs deux visages brillèrent dans la flamme. Caleb prit la bougie sur la table.

— Je veux seulement regarder la petite dame un moment, dit-il. Donald lui fit signé de la main et le vieillard entra dans la chambre.

Elle dormait paisiblement, se cachant la joue d’une main. Il resta un moment à la regarder, ses lèvres s’agitaient, bien qu’il n’articulât pas un mot. Quelque chose de brillant remplit ses yeux et glissa le long de ses vieilles joues ridées. Il quitta sans bruit la pièce et posa sa bougie.

— Bonsoir ! dit-il à Donald sans lever les yeux et en frottant son vieux chapeau.

— Bonsoir, Taterley ! dit Donald.

Il alla vers la porte, l’ouvrit et revint :

— Bonsoir ! répéta-t-il en tendant timidement la main.

Donald se tourna rapidement, vit la main et la serra en rougissant.

— Bonsoir, cher vieux Taterley, dit-il, bonsoir !

Caleb regarda encore tout autour de lui et s’en fut dans la nuit.


CHAPITRE XII

encore des malédictions, une question de propriété, un cambriolage.


Caleb Fry avait eu un moment l’idée de faire revivre le vieux Caleb Fry, ne fut-ce que sous l’apparence d’un fantôme, d’un épouvantail pour forcer encore Hector à faire quelque chose, puis de disparaître encore dans sa tombe. Mais le seul spectre qu’il pouvait faire paraître eût été un si piteux spectacle, un tel épouvantail, le vent aurait si visiblement fait flotter ses vêtements, il aurait tellement oublié ses vieux tics, qu’il renonça à cette idée.

Il arriva donc que ce fut un très parfait et réel Taterley qui se promenait ce soir-là dans les rues, un Taterley fort de l’héritage de confiance et d’affection qu’il avait su gagner et prêt à tout pour réussir dans la mission qu’il s’était tracée.

Il sentait encore dans sa main le contact de celle de cette gentille enfant et cela lui donnait la force de tenter les aventures les plus désespérées.

Il était saisi d’une telle intrépidité qu’il marcha directement et rapidement dans la direction de Bloomsbury, les dents serrées et une flamme de détermination dans les yeux. La soirée était très avancée, mais il ne s’arrêta pas avant d’arriver à la maison dans laquelle, pendant tant d’années, il avait vécu sa sombre vie, en compagnie de Taterley.

Par chance, la porte était ouverte ; Mrs Jobson étant sans doute sortie, soit pour faire une visite dans le voisinage immédiat, soit pour faire quelque emplette. Caleb se glissa dans la maison, monta tranquillement l’escalier et frappa d’un coup sec à la porte où était le cousin Hector. Tournant le bouton, il entra, prêt à un accueil irrité, mais il entra sans broncher.

La pièce était vidé, un bon petit feu bien garni brillait dans la grille et les lampes d’argent étaient allumées.

Une bouteille de cognac et une boîte de cigares étaient posées sur la table. Des verres étaient préparés sur le buffet. On attendait évidemment M. Krudar et la propriétaire avait tout préparé en conséquence.

Caleb jeta un regard autour de lui, les coins de sa bouche étaient crispés et il s’assit en attendant.

— Mon appartement ! mon argent ! grommelait-il ; Vraiment, j’ai le droit. Il faut qu’il me donne quelque chose pour eux. Ils ne mourront pas de faim pendant que…