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TATERLEY
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Les deux jeunes gens aimaient Taterley et ils étaient attachés à lui. Pourtant, tout ce que Taterley avait fait récemment et la métamorphose de Caleb qui avait pris le nom et la place du vieux domestique, son retour au bien par ce chemin détourné, si mystérieux, cela, Donald et Ella pourraient-ils le comprendre ?…

Alors même qu’ils seraient en proie à la plus grande détresse, il était bien douteux que les deux jeunes gens pussent jamais accepter quelque chose de lui, Caleb, découvert sous le faux Taterley. En face de cette suggestion redoutable, il continuait à se taire.

Ils avaient insisté pour qu’il prît ses repas avec eux : il s’était d’abord vivement opposé à cette combinaison, puis il y avait enfin consenti, dans l’espoir de pouvoir leur être utile plus tard. Et c’est ainsi qu’il continua d’agir, durant quelque temps, tout à fait comme Taterley.

Un après-midi que Donald était sorti pour affaire, Caleb entendit frapper et le cousin Hector entra en souriant. Il s’arrêta en se penchant en avant et salua Ella qui avait quitté son travail. Caleb était près de la fenêtre et le visiteur le regarda avec surprise.

— Je vous prie de pardonner ma brusque intrusion, dit le cousin Hector avec son plus aimable sourire. J’espérais bien trouver ici mon jeune ami Donald, je ne m’attendais guère à trouver la beauté régnant ici en maîtresse.

— J’attends Donald dans très peu de temps, dit Ella en regardant le cousin Hector avec un peu d’inquiétude et en jetant un coup d’œil vers Caleb. Vous êtes M. Hector Krudar, je crois, dit-elle, et il me semble que nous nous sommes déjà rencontrés, ajouta-t-elle. Voulez-vous attendre Donald ?

Le cousin Hector s’assit avec une grâce pleine de mélancolie. Cette attitude lui semblant convenable, en présence du vice et des dissipations, pour montrer qu’il réprouvait le spectacle de tels déportements avec un regret inexprimable. Caleb, qui était près de la fenêtre, ne le perdait pas de vue un seul instant.

— Oui, nous nous sommes rencontrés, et je n’espérais pas avoir le plaisir de vous revoir. Vous voyez beaucoup mon jeune ami Donald ?

Il semblait parler avec l’hésitation naturelle qu’on a en abordant un bien pénible sujet.

Ella le regarda en fronçant légèrement le sourcil.

— Donald est là presque toute la journée, dit-elle.

Il hocha la tête et tapa discrètement le bord de son chapeau de sa main, pendant qu’il regardait Ella en inclinant la tête. Puis, se ressaisissant, il commença :

— J’allais justement vous dire, miss… miss… Oh ! vraiment j’ai été assez malappris pour oublier votre nom.

— Je m’appelais miss Tarraut, dit Ella avec fierté pendant que son visage se colorait, quand vous m’avez rencontrée ici pour la dernière fois, maintenant je suis Mrs. Donald Brett.

Du côté de la fenêtre on entendit un rire étouffé, mais le visage de Caleb conservait une expression imperturbable.

Le cousin Hector laissa retomber son chapeau et resta là, la bouche entr’ouverte. Il revint bientôt à la situation et, se levant, il tendit la main à Ella avec un sourire.

— Ma parole ! je suis charmé de l’apprendre. Je ne suis rien au monde, si je ne suis pas un honnête homme et je répète que je suis charmé. Mon jeune ami Donald est heureux d’avoir découvert une aussi charmante compagne de si bonne heure dans sa vie. Cela est bien fait pour remplir d’envie un vieux garçon solitaire comme moi.

— Vous êtes bien bon de me le dire, M. Krudar, dit Ella d’un ton dubitatif, comme si elle n’était pas certaine de la sincérité du cousin Hector.