Page:Gallon - Taterley, trad Berton, paru dans Je sais tout, 1919.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
TATERLEY
727

— Et nous sommes rudement heureux de vous voir, ajouta Donald en lui donnant une tape sur l’épaule.

— Vrai, je ne vous ai pas contrarié ? demanda Caleb.

Ella se recula pour le regarder en riant.

— Nous contrarier ! s’écria-t-elle, puis elle fronça ses sourcils avec une moue charmante. Mais, vous nous manquiez pour être tout à fait heureux… et notre seule pensée triste c’était de nous dire que notre Taterley était seul. Et maintenant Taterley est venu, et nous sommes tous ensemble ! La famille est au complet !

Ella battait des mains de joie, comme une enfant.

— Comment êtes-vous venu ici, Taterley ? demanda Donald.

— Oh ! j’ai… j’ai marché, dit Caleb d’un air insouciant.

Ils le regardèrent avec stupéfaction en répétant ses paroles :

— Marché !

— Oh ! oui, ce n’est pas très loin, ça m’a fait grand plaisir. C’est une assez longue promenade, mais bien agréable tout de même.

Ils le regardèrent en silence pendant un moment, puis le prirent chacun par un bras, pour l’emmener dans le bon vieux salon. La femme de ménage souriante, fit les préparatifs de leur souper, tout en bavardant et en mettant le couvert. Caleb hésitait encore lorsqu’elle eut quitté la pièce, mais Donald et Ella le prirent de nouveau par le bras, l’amenèrent vers la table et l’y assirent. Ella resta un moment derrière lui, les mains sur ses épaules et son visage penché vers le sien.

— Vous êtes toujours notre cher ami Taterley, dit-elle tout bas. Et jamais autre chose. Notre cher ami Taterley, notre seul ami. Et il partagea leur repas.

Mais au milieu du dîner, dans un moment de silence, Ella cachant brusquement son visage dans ses mains fondit en larmes. Donald s’élança vivement vers elle et Caleb, saisi de stupeur, les regardait tous deux.

Ella se cramponnait à Donald, son visage penché sur la poitrine de son mari. Enfin, les larmes s’arrêtèrent, elle leva les yeux et essaya de sourire.

— Mon cher amour, dit Donald, qu’est-ce que vous avez ? Qui vous fait de la peine, dites-le moi ?

— Oh ! Je… je ne sais pas ce qui m’a fait pleurer. Je n’ai rien, c’est parce que je suis trop heureuse, sans doute. Tout le monde est si bon pour moi, et Taterley… Elle étendit la main de l’autre côté de la table pour prendre celle du vieillard. Il est le seul au monde que nous puissions appeler notre ami, et le meilleur de tous. Votre oncle Caleb a tout fait pour nous séparer et Taterley, qui lui a été pourtant fidèle toute sa vie, s’est attaché à nous à présent. Je suis plus heureuse que je ne l’ai jamais été, à la pensée des gens qui m’aiment.

Caleb, tremblant, n’osait plus dire un mot, par crainte de montrer son émotion. Bientôt, ils se rassirent tous les trois et, le repas achevé, Caleb vint s’asseoir auprès de la fenêtre, écoutant sans se lasser le murmure de leurs jeunes voix, pendant qu’ils se promenaient l’un à côté de l’autre, dans le petit jardin, au milieu des senteurs des fleurs endormies. Elle revint enfin vers Caleb pour lui souhaiter le bonsoir, avant de se retirer dans sa chambre. Donald resta près de Caleb, appuyé sur le balcon, lui parlant amicalement de son bonheur.

— Je ne croyais pas qu’il soit possible d’être aussi heureux que je le suis, dit-il en envoyant une bouffée de fumée dans l’air. Et par Jupiter ! je vais travailler. Ce ne sont pas des rêves, Taterley, je vais montrer au monde ce que je puis faire. Il n’y a pas grand mérite, n’importe qui travaillerait de tout son cœur pour une telle femme ! J’ai hâte de commencer notre vraie exis-