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DES LIEUX AFFECTÉS, VI, v.

individus doués d’une semblable nature qui, par pudeur, s’abstenant des plaisirs vénériens, tombèrent dans la torpeur ; d’autres, semblables aux mélancholiques, étaient pris d’une tristesse sans raison et de désespoir, de dégoût pour les aliments et avaient de mauvaises digestions. J’ai connu aussi un individu qui, par suite de la douleur que lui causait la mort de sa femme, s’abstint des rapprochements sexuels, dont il usait fréquemment auparavant ; il avait perdu l’appétit, et ne digérait même pas le peu qu’il prenait ; s’il se forçait pour prendre davantage il le vomissait aussitôt ; il s’attristait non-seulement pour ces raisons, mais aussi sans cause évidente, comme il arrive aux mélancholiques. Tous les désordres disparurent aussitôt qu’il eut repris ses anciennes habitudes. En réfléchissant, à part moi, sur ces faits, il me parut que la rétention du sperme avait sur le corps une influence nuisible beaucoup plus grande que la rétention des menstrues, chez les personnes qui ont naturellement le sperme plus imprégné d’humeurs mauvaises et plus abondant, qui mènent une vie oisive, et qui, se livrant d’abord assez fréquemment aux rapprochements sexuels, en suspendent brusquement l’usage. J’ai pensé aussi que chez ces individus le désir naturel de l’émission du sperme était une des causes [de ces désordres], car le sperme, quand il est tel et abondant, pousse tous les hommes à l’éjaculation. Diogène le Cynique passe pour avoir été le plus ferme de tous les hommes pour toute espèce d’œuvre qui réclamait de la continence et de la constance ; cependant il usait des plaisirs vénériens, voulant se débarrasser de l’incommodité que produit le sperme retenu et non rechercher le plaisir que cause son émission. On raconte de lui qu’un jour, ayant demandé à une courtisane de venir le trouver, comme elle se faisait attendre, il donna lui-même avec la main un libre cours à la semence ; quand la courtisane arriva il la renvoya, lui disant : « ma main t’a devancée en célébrant l’hyménée ». Il est tout à fait évident que les hommes chastes n’usent pas des plaisirs vénériens pour la jouissance qui y est attachée, mais pour guérir une incommodité, comme si en réalité il n’y avait aucune jouissance. En conséquence je pense que les autres animaux sont poussés à la cohabitation, non parce qu’ils ont l’opinion que la jouissance est une bonne chose, mais en vue d’expulser le sperme qui les fatigue, de la même manière qu’ils