trouve de se servir des puissances qui lui sont données par la nature ; mais quand on croit voir ce qu’on ne voit pas, entendre des sons que personne ne profère, ou qu’on dit des choses honteuses, impies, ou tout à fait folles, c’est une preuve que l’âme n’a pas simplement perdu les puissances qui lui sont naturelles, et qu’il s’est introduit en elle quelque chose de contraire à sa nature. Cela donc affaiblit déjà considérablement la conjecture que toute l’essence de l’âme est incorporelle. Comment, en effet, pourrait-elle, par son union avec le corps, être amenée à une nature opposée à celle qu’elle possède, si elle n’est ni une certaine qualité, ni une forme, ni une affection, ni une puissance du corps ? Mais abandonnons ces réflexions, pour que la partie accessoire ne devienne pas beaucoup plus étendue que le sujet lui-même que nous nous proposons de traiter. Les maux du corps dominent l’âme, cela[1] se voit manifestement dans la mélancolie, le phrénitis et la manie ; car ne reconnaître ni soi-même, ni ses proches, par suite d’une maladie (phénomène que Thucydide (II, 47, suiv.) a dit s’être montré chez beaucoup d’individus [pendant la peste d’Athènes], et que nous avons vu nous-mêmes dans la peste qui a régné il y a peu d’années)[2], paraît être la même chose que ne pas voir à cause d’une chassie ou d’une cataracte, sans que la faculté visuelle soit altérée ; mais voir trois choses pour une, est une grande affection de la faculté visuelle, affection qui ressemble au phrénitis.
Le passage suivant démontrera que Platon lui-même savait que l’âme est lésée par une cacochymie du corps : « Quand le flegme acide ou salé, ou quand les humeurs amères et bilieuses, quelles qu’elles soient, errant dans le corps, ne peuvent trouver une voie pour s’échapper, et que roulant à l’intérieur, elles
- ↑ Οὐδέ, vulg. ; τὸ δέ, cod. Flor. qui est une excellente leçon.
- ↑ Il s’agit sans doute de la peste antonine, dont Galien parle en plusieurs endroits de ses livres. Voy. Hecker, De peste antoniniana, Berol., 1835, 8o. — Le texte vulg. porte ὅπερ ὅ τε Θουκυδίδης ἐκβῆναι πολλοῖς φησιν, vulg. ; avec le manuscrit de Flor. j’ai lu συμβῆναι au lieu de ἐκβῆναι.