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DES MŒURS DE L'ÂME.

que l’âme, comme la nature, soit un pneuma ; mais un pneuma humide et froid pour la nature, sec et chaud pour l’âme, en sorte que ce pneuma est une certaine matière propre de l’âme, mais que la forme de la matière ou du tempérament consiste dans la bonne proportion de la substance aérienne et de la substance ignée, car il n’est pas possible de dire que l’âme soit seulement air ou seulement feu, attendu que le corps de l’animal ne paraît ni extrêmement froid, ni extrêmement chaud, ni même dominé par une grande surabondance de l’une ou de l’autre qualité. En effet, quand le corps s’écarte même d’une façon peu prononcée de la symétrie, l’animal est pris de fièvre, s’il y a surabondance démesurée du feu ; il se refroidit, devient livide, et a les sensations obtuses ou tout à fait abolies, suivant le tempérament de l’air ; car cet élément pris en lui-même est froid, et il n’acquiert un bon tempérament que par son mélange avec l’élément igné. Il est donc déjà évident pour nous que, d’après les stoïciens, la substance de l’âme résulte d’un certain mélange d’air et de feu, et que [d’après eux encore] Chrysippe a dû sa sagesse au mélange tempéré de ces éléments, tandis que c’est au chaud intempéré que les fils d’Hippocrate[1] ont dû la stupidité qui leur a valu le privilége d’être tournés en ridicule par les poëtes comiques, à cause de leur sottise. On dira donc peut-être qu’il ne faut ni louer Chrysippe pour son intelligence, ni blâmer les fils d’Hippocrate pour leur sottise. De la même manière, si on considère les actes et les affections de

    mène et de quelques autres philosophes (voy. Aristote, De anima, I, 2, § 15). Voy. sur la physiologie des stoïciens, J. Lipse, Physiologiæ stoicorum libri tres, Lugd. Batav. 1644, 12o ; Ritter, Hist. de la philosophie ancienne, trad. franc., liv. XI, t. III, p. 415 suiv. ; Ritter et Preller, Histor. philosophiæ, etc. Hamburgi, 1838, 8o, p. 384-397 ; et Galien dans les premiers livres de son traité Des dogmes d’Hippocrate et de Platon.

  1. Il s’agit d’un Hippocrate d’Athènes (cf. Suidas, voce ὑώδεις), dont les fils furent souvent livrés par les comiques à la risée du public à cause de leur stupidité. Suidas (l. l.) nous rapporte leurs noms ; ils s’appelaient Télesippe, Démophon, et Périclès. — Voy. Aristophane, Nubes, v. 997 ; Thesmoph., v. 272, et les scolies sur ces passages. — Voy.encore sur le texte de Galien, Goulston dans ses notes, et Gataker (Advers. miscell. posth., cap. xiii, col. 549). Ces deux critiques ont proposé des corrections nécessaires pour rendre à la phrase son intégrité ; je les ai adoptées dans ma traduction.