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DES MŒURS DE L'ÂME.

le vin change le tempérament du corps et les fonctions de l’âme, mais il peut même faire sortir l’âme du corps. Comment pourrait-on dire autrement, quand on voit les drogues qui refroidissent ou qui échauffent beaucoup[1] tuer immédiatement ceux qui les prennent ? Les venins des animaux sont dans ce cas. Ainsi, nous voyons mourir sur-le-champ les individus piqués par un aspic ; ces individus meurent par le venin de la même manière qu’on[2] meurt par la ciguë, car ce venin refroidit aussi. Ceux qui admettent une substance particulière[3] pour l’âme, seront donc[4] forcés d’avouer qu’elle est l’esclave des tempéraments du corps, attendu que ces tempéraments peuvent la chasser du corps, la contraindre à délirer, la priver de mémoire et d’intelligence, la rendre triste, timide[5], abattue, comme cela se voit dans la mélancolie, et ils reconnaîtront que le vin bu modérément produit les effets opposés[6].


Chapitre iv. — L’âme est modifiée par le sec ou par l’humide. — Passages du Timée interprétés dans ce sens par Galien. — Que l’humide entraîne la déraison et que la sécheresse cause l’intelligence. S’il en est ainsi pour l’âme réputée immortelle, combien, à plus forte raison, l’âme ou les âmes mortelles doivent elles être les esclaves du corps, ou plutôt elles ne sont que le tempérament du corps. — Sentiment d’Andronique sur la nature de l’âme. — Opinion d’Aristote et des Stoïciens sur l’essence de l’âme.


Les puissances de l’âme sont-elles modifiées par le tempérament chaud ou froid, mais ne souffrent-elles en rien du tempérament sec ou humide ? Nous avons la preuve du contraire par les médicaments et par le régime de chaque jour. Je réunirai peut-être ces preuves dans la suite ; mais, avant, je rapporterai les passages

    vera aussi quelques enseignements dans le chap. xv des Advers. miscell. posth. de Gataker, col. 557 suiv. — Rufus est d’avis que c’est tout simplement du vin qu’Hélène versa dans la coupe de Télémaque (voy. note 3 de la p. 56). Pline mentionne cette opinion ; Petit (p. 32 suiv.) a très-bien démontré qu’elle était insoutenable.

  1. θερμαίνοντα, vulg. ; ὑπερθερμαίνοντα, cod. Flor.
  2. Παραπλήσιον τῆς, vulg. ; παραπλήσιον τοῖς, cod. Flor. C’est là la vraie leçon.
  3. Ἰδίως, sic cod. Flor. ; ἰδίαν, vulg. Cette dernière leçon me paraît préférable.
  4. Οὖν, qui est donné par le ms. de Flor., et qui est nécessaire, manque dans vulg.
  5. Λυπηρότερα… ἀθυμότερα ἐργάζεσθαι, vulg. Le Ms. de Flor. donne l’accusatif qui est la vraie leçon.
  6. Ἔχει, vulg. ; ἔχειν, cod. Flor.