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DES MŒURS DE L'ÂME.

jouit de cette propriété d’une manière encore plus prononcée, et on ajoute que c’est la drogue de l’hôtesse égyptienne [Polydamna] dont le poëte dit :

« Aussitôt Hélène jette dans le vin qu’il buvait la drogue qui chasse le chagrin (νηπενθές), qui dissipe la colère, et fait oublier tous les maux. »

(Odys., IV, 220).

Mais laissons la racine d’œnopie ! je n’en ai que faire dans ce discours, puisque nous voyons chaque jour que le vin produit tous les effets que célèbrent les poëtes :

« Le vin doux comme le miel te nuit comme il nuit à tous ceux

    Quoi qu’il en soit, on s’est efforcé de rapporter cette drogue (φάρμακον) à une plante connue : ceux-ci y retrouvent la buglosse (voy. Bothe ad Homer.) ; ceux-là, l’opium ou le datura (Wedel, Exerc. medic. philol., cent. I, dec. 6, exercit. 10), d’autres l’opium seulement (Barchusen, de nepenthe, à la suite de De med. orig. et progr. du même auteur) ; d’autres un médicament chimique, et, si je ne me trompe, l’or potable lui-même (P. La Seine, l. l.) ; d’autres encore, la plante appelée helenium (ἑλένιον, sans doute la plante qui correspond dans le système au thymus incanus Sib., et non l’inula helenium de L.), erreur qui vient du nom même de la plante, et qui paraît avoir été répandue du temps de Pline (XXI, 21). Enfin, quelques modernes veulent y trouver le haschich. — Dans le passage qui nous occupe, Galien nous apprend que la drogue dont parle Homère, était la racine d’œnopie ; mais, ainsi que le fait remarquer Wedel (l. l., p. 57) : « Obscurum per œque obscurum explicat, » car aucun auteur ne parle de la racine d’oenopie. Petit a fait un pas de plus dans la question, en supposant qu’οἰνοπία représentait la même plante qu’οἰνοθήρας appelée aussi οἰνάγρα ou ὄναγρα (Epilobium hirsutum, Linn. ; voy. Fraas, Flora classica, p. 80.) Cette plante, au dire de Théophraste (Hist. plant., IX, 19) et de Pline (XXIV, 102, 6, et XXVI, 69, 1), avait précisément les propriétés qu’Homère attribue à son φάρμακον. Ce rapprochement me paraît, je l’avoue, très-séduisant ; mais cela avance peu la question. En effet, fût-il certain qu’οἰνοπία et οἰνοθήρας sont la même plante, il resterait à démontrer que c’est réellement de cette plante qu’Homère a parlé. Et même a-t-il entendu parler d’une plante en particulier (notez qu’il ne lui donne pas un nom propre comme au moly), ou seulement en général d’une des plantes quelconques qui passaient pour jouir des propriétés qu’il énumère, propriétés sans doute plutôt imaginaires qu’établies par une expérimentation sérieuse ? — Autre chose donc est de croire, avec Petit, que le φάρμακον d’Hélène pourrait être l’{{lang|grc|οἰνοπία} ou οἰνοθήρας, et autre chose est de prouver que c’est bien ce φάρμακον tant controversé. Les mêmes arguments pourraient être invoqués pour d’autres plantes avec autant de raison, et il n’y a pas plus de motifs de se laisser influencer par le dire de Galien, que par celui de Théophraste ou de Pline qui rapporte le φάρμακον d’Hélène à des plantes autres que l’œnopie.